27 Mai 2021

[Lanceurs] Un déluge d’eau pour se protéger du bruit

C’est une opération à la fois indispensable et délicate : le déluge - activé au moment du lancement - a pour objectif principal d’atténuer les vibrations du décollage. Le système développé pour Ariane 6 a passé avec succès ses essais de qualification.
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Essais de déluge à l'ELA 4 Crédits : CNES

Lors d’un lancement, l’épais nuage qui s’élève autour du pas de tir est principalement constitué de vapeur d’eau. Celle-ci provient des importants volumes d’eau libérés au moment du tir, qui se condensent au contact des jets émis par les boosters dont la température avoisine les 3000°C. Ce déluge d’eau a une fonction bien précise : protéger les installations contre les effets très violents du décollage. L’allumage des boosters génère en effet des ondes acoustiques équivalant à un niveau de bruit pouvant atteindre 180 décibels, qui doivent être atténuées pour limiter les vibrations sur le mât et la table de lancement. L’objectif principal du déluge est de faire comme un mur d’eau qui empêche l’onde acoustique de se propager. Il permet également de refroidir les structures mécaniques et métalliques, éprouvées par des flux thermiques pouvant atteindre 30 mégawatts/m2, soit 20 000 fois plus que le flux engendré par le Soleil.

 Sans le déluge, la réflexion des ondes acoustiques pourrait être destructrice pour les structures, principalement pour le lanceur et ses charges utiles. Quant à la chaleur, sans refroidissement efficace, elle pourrait provoquer la fusion des éléments d’acier en quelques secondes.

Marco Cencetti, expert fluides cryogéniques et conventionnels au CNES

Quatre phases d’activation

Sur l’ELA 4, le pas de tir d’Ariane 6, l’eau est stockée dans le château d’eau de 90 m de haut, avec un réservoir de 1200 m3, relié au mât et à la table par une canalisation de 2,5 m de diamètre. Le déluge se déroule en plusieurs phases : 30 secondes avant le lancement, le mât est arrosé pour le protéger contre les émissions d’alumine et d’acide chlorhydrique des boosters. Au même moment, le déluge du déflecteur de jet est activé au fond du carneau, la cavité où sont évacués les jets des boosters.

Puis, 8 secondes avant le décollage, c’est le déluge carneau, qui libère 16 m3 par seconde. Enfin, une fois que le lanceur a commencé à s’élever, le déluge le plus massif, 30 tonnes à la seconde, est activé pour créer un tapis d’eau au niveau de la table. « Cette fonction est la plus délicate, il faut l’activer juste au bon moment, de façon que les jets d’eau inondent la table quand le lanceur s’est suffisamment élevé sans qu’il soit trop éloigné », explique Marco Cencetti. Les essais qui se sont déroulés fin avril avaient justement pour but de simuler la chronologie d’un lancement en vérifiant le timing de déclenchement et les débits d’eau de chaque fonction. Une qualification spécifique a été réalisée pour les vannes déluge qui doivent s’ouvrir en moins d’une seconde et laisser passer 1 000 litres d’eau par seconde. Après l’analyse des résultats de ces essais, le système sera qualifié.

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Marco Cencetti Crédits : CNES

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Vue de l'ELA 4 Crédits : CNES

Le saviez-vous

Les déluges se déroulent dans le respect d’un cadre réglementaire extrêmement strict, qui a pour but de limiter au maximum leur impact environnemental. Les volumes d’eau proviennent d’une ancienne carrière qui alimente le château d’eau et l’ensemble des réseaux de l’ELA 4. Une partie de l’eau s’évapore naturellement au moment du lancement, le reste est recueilli dans la fosse du carneau. L’eau est ensuite pompée dans une usine de traitement où elle totalement dépolluée, puis rejetée après contrôle. 

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Lanceur - image d'illustration Crédits : Alena Butusava

Série lanceurs

Qu’on les nomme lanceurs ou fusées, cette activité du CNES - qui contribue à garantir l’accès autonome à l’espace de la France et de l’Europe - est en constante évolution. Nous vous proposons de découvrir son actualité via une série d’articles. Vous y lirez tous les détails sur le nouveau lanceur Ariane 6 et sa base de lancement et vous familiariserez avec les innovations et ruptures technologiques qui nourriront les futurs programmes à l’horizon 2030.

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